Le droit d’accès aux documents administratifs : application aux associations et fédérations sportives investies d’une mission de service public

Évolutions de la jurisprudence…

Le droit d’accès aux documents administratifs est un principe fondamental du droit public français, permettant à tout citoyen d’obtenir la communication de documents détenus par des organismes investis d’une mission de service public. Cette prérogative vise à garantir la transparence de l’action publique et à renforcer le contrôle citoyen sur les entités qui exercent des missions d’intérêt général. Historiquement, ce droit concernait principalement les administrations publiques, mais son champ s’est progressivement étendu à certains organismes privés, tels que les associations et les fédérations sportives, dès lors qu’ils sont chargés de la gestion d’un service public.

Les associations et fédérations, bien qu’elles soient juridiquement des organismes privés, peuvent se voir confier l’exécution d’une mission de service public par délégation de l’État ou d’une collectivité. À ce titre, elles sont soumises à des règles administratives spécifiques, parmi lesquelles figure le droit d’accès aux documents administratifs. Cette obligation découle du Code des relations entre le public et l’administration, qui considère ces organismes comme des administrations lorsqu’ils remplissent une mission de service public à caractère administratif. Ainsi, toute personne, qu’elle soit membre ou non de la fédération ou de l’association, peut demander la communication de documents relatifs à cette mission.

La jurisprudence du Conseil d’État a joué un rôle déterminant dans la définition du périmètre du droit d’accès aux documents administratifs détenus par les fédérations sportives et leurs organes internes. Jusqu’à l’arrêt du 15 mars 2023 (CE no 466632), le Conseil d’État estimait ne pas être compétent pour examiner les dispositions statutaires des fédérations, considérées comme relevant de leur fonctionnement interne. Toutefois, cette position a évolué : désormais, le Conseil d’État se reconnaît compétent lorsque les dispositions ou les documents en cause traduisent l’exercice de prérogatives de puissance publique dans le cadre de la mission de service public confiée à la fédération. Ce critère s’est substitué à l’ancien, qui reposait sur l’existence d’un lien direct avec la mission de service public. En outre, la jurisprudence récente (CE, 04/07/2025, no 495323) confirme que la demande de documents par une fédération à ses organes internes constitue l’exercice d’une prérogative de puissance publique, et que le litige relève alors de la juridiction administrative.

Pour qu’un document soit qualifié d’administratif et donc communicable, il doit répondre à deux critères principaux : être détenu par l’organisme chargé d’une mission de service public et être en lien avec l’exercice de cette mission. Les documents relatifs à la gestion d’activités de droit privé ne sont pas concernés, conformément à l’arrêt du Conseil d’État du 26 juillet 1985 (no 35067). À l’inverse, dès lors qu’un document porte sur l’usage de prérogatives de puissance publique – par exemple, le contrôle de l’exécution de la mission déléguée – il revêt un caractère administratif et doit être communicable.

Concrètement, le droit d’accès s’applique à une large gamme de documents, dès lors qu’ils sont liés à la mission de service public de l’association ou de la fédération :

  • Documents financiers : comptes de résultats, bilans, annexes comptables, budgets prévisionnels, grands livres ;
  • Procès-verbaux des assemblées générales, qu’elles soient ordinaires ou extraordinaires ;
  • Documents relatifs aux remboursements de frais, notamment ceux concernant les dirigeants fédéraux ;
  • Contrats de travail, conventions de sous-traitance, et tout document permettant le contrôle de l’exécution du service public confié.

Ces documents sont accessibles à toute personne en faisant la demande, sans condition de qualité ou d’appartenance à l’organisme.

La démarche pour obtenir la communication d’un document administratif auprès d’une association ou d’une fédération investie d’une mission de service public est encadrée par la loi. Il convient d’adresser une demande écrite à l’organisme concerné. En cas de refus, qu’il soit explicite ou implicite, le demandeur peut saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui rendra un avis sur la communicabilité du document. Si le différend persiste, il est possible de porter l’affaire devant le tribunal administratif, qui tranchera le litige. Cette procédure garantit l’effectivité du droit d’accès et la transparence de l’action des organismes concernés.

L’élargissement du droit d’accès aux documents administratifs aux associations et fédérations sportives investies d’une mission de service public illustre une volonté croissante de transparence et de contrôle démocratique sur l’action des organismes chargés d’un intérêt général. Les évolutions jurisprudentielles récentes du Conseil d’État ont clarifié les critères d’application et renforcé l’effectivité de ce droit, au bénéfice des citoyens, des juristes et des étudiants soucieux de comprendre et d’exercer leur droit de regard sur la gestion du service public. Ce dispositif contribue à la qualité de la vie démocratique et à la confiance dans les institutions sportives et associatives.

(1) Conseil d’État, 04/07/2025, 495323

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