ORGANISATION ILLÉGALE DE LOTOS PAR UNE ASSOCIATION : LA COLLECTIVITÉ COMPLICE ?
Une association qui organise régulièrement des lotos peut-elle être assimilée à un exploitant de jeux de hasards ? Une commune peut-elle être considérée comme complice si elle loue une salle à l’association concernée ?
Oui. Se rend coupable d’ouverture sans autorisation d’une maison de jeux de hasards, l’association qui organise régulièrement des lotos en leur assurant une large publicité dépassant ainsi le cercle restreint qui doit être celui des lotos traditionnels. La commune, en louant en connaissance de cause la salle des fêtes à ladite association, est complice par fourniture de moyens.
Un comité des fêtes organise régulièrement des lotos dans une salle des fêtes d’une commune picto-charentaise.
L’attractivité des lots, sous forme de bons d’achats en grande surface, et la publicité assurée dans la presse confèrent vite au loto une notoriété régionale. A tel point que le comité des fêtes s’auto-finance largement sans subventions municipales.
Loteries prohibées
Une première alerte en 2003 refroidira temporairement les ardeurs des organisateurs, le procureur de la République leur adressant un rappel à la loi : si les lotos traditionnels sont tolérés c’est à la condition notamment qu’ils soient organisés dans un cercle restreint et que les mises et les lots restent modestes.
Pour rendre moins visible l’accumulation de loteries, il est décidé de créer plusieurs associations et de diviser ainsi le nombre de lotos entre celles-ci.
Peine perdue. L’artifice ne trompe pas le préfet qui saisit la Direction départementale de la concurrence. Il faut dire qu’en deux ans, 109 lotos ont été organisés regroupant à chaque fois entre 400 et 800 participants. Un rythme qui dépasse largement les deux à trois lotos tolérés usuellement par l’administration.
Les représentants des associations et du comité des fêtes reconnaissent les faits. Ils se justifient par leur souci de récolter des fonds pour financer les animations de la commune et par la suppression des subventions communales.
Insuffisant pour convaincre les magistrats du tribunal correctionnel de Rochefort puis de la Cour d’appel de Poitiers qui condamnent les associations à 5000 euros d’amende : l’activité s’est apparentée « à l’organisation de loteries prohibées et donc à l’ouverture sans déclaration d’une maison de jeux de hasard, infraction prévue par l’article 1565 du code général des impôts ». Rappelant que les maisons de jeux étaient soumises à l’impôt sur les spectacles, l’administration fiscale obtient près de 300 000 euros du comité des fêtes et 200 000 euros de l’association qui lui a prêté son concours.
La Cour de cassation n’y trouve rien à redire :
« dès lors que ces associations ont été reconnues coupables des infractions qui leur étaient reprochées, la cour d’appel les a, à bon droit, condamnées au paiement des droits éludés ».
La collectivité complice
Un autre aspect de cette affaire mérite une attention toute particulière. Ce point n’était pas soumis à l’examen de la Cour de cassation, faute de pourvoi de la commune. En effet la collectivité publique a été également poursuivie et condamnée pour complicité des infractions reprochées aux associations.
Les magistrats d’appel relèvent à cet égard que « la gestion d’une salle des fêtes dans le cadre de l’animation d’une commune était une activité susceptible de faire l’objet d’une convention de délégation de service public » rendant ainsi possible la déclaration de culpabilité de la collectivité
Voilà pour le principe. Sur le fond, la Cour d’appel retient la responsabilité de la collectivité dès lors que « la commune était parfaitement informée de l’utilisation frauduleuse de la salle aux fins de recueillir les fonds qu’elle ne donnait plus aux associations ». Ce d’autant plus, poursuivent les juges, que le maire était également administrateur du comité des fêtes. Une solution qui pourrait être transposée à biens d’autres situations .
Cour de cassation, chambre criminelle, 2 juin 2010 N° 09-83665