Oui : si le bénévolat a été "déguisé" en salariat. En l’espèce, Pôle emploi obtient le remboursement de près de 30 000 euros d’indemnités chômage versées indûment à un allocataire qui invoquait des contrats de travail successifs au sein de deux associations.
Le juge constate l’impossibilité de vérifier l’existence des contrats de travail invoqués comme le paiement effectif des salaires, l’association servant uniquement d’intermédiaire afin de permettre à l’intéressé d’avoir le statut de salarié intermittent pour des spectacles qu’il produisait lui-même avec son propre matériel. L’occasion de rappeler qu’en l’absence de définition légale du bénévolat, la Cour de cassation a fixé deux critères cumulatifs permettant de distinguer le bénévole du salarié : l’absence de rémunération (même déguisée) et de lien de subordination.
Sur signalement du Guichet unique du spectacle vivant (GUSO), Pôle emploi assigne un demandeur d’emploi lui reprochant d’avoir perçu indûment pendant deux ans près de 30 000 euros d’indemnités chômage.
L’intéressé se défend en invoquant des contrats successifs en qualité de musicien au sein de deux associations, qui lui auraient ouvert le droit au statut d’intermittent du spectacle. Mais les deux associations sont domiciliées au domicile personnel de l’intéressé, ce qui n’a pas manqué d’éveiller des soupçons de fraude.
Le tribunal de Grande instance de Nice, donne raison à Pôle-emploi, ce que confirme la cour d’appel d’Aix-en-Provence. En effet les juges relèvent l’impossibilité de vérifier l’existence des contrats de travail comme le paiement effectif des salaires qui auraient permis à l’intéressé d’être éligible au régime des intermittents du spectacle.
Et les magistrats de conclure :
"Cette association servait uniquement d’intermédiaire afin de lui permettre d’avoir le statut de salarié intermittent pour des spectacles qu’il produisait lui-même avec son propre matériel, de sorte que son statut de salarié fait également défaut, puisqu’il est en partie bénévole, ce qu’il reconnaît lui-même aux termes de ses conclusions, expliquant la sur-valorisation des cachets déclarés destinés à compenser ce bénévolat et à lui permettre de bénéficier d’un statut de salarié intermittent qu’il n’a pas".
L’occasion de rappeler qu’en l’absence de définition légale du bénévolat, la Cour de cassation distingue le bénévole du salarié par l’absence de rémunération et de lien de subordination avec l’association.
Pour la Cour de cassation [2] , doivent être "considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion d’un travail accompli dans un lien de subordination" lequel est caractérisé "par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné". Lorsque l’association détermine unilatéralement les conditions d’exécution d’une mission, le juge pourra y déceler un indice du lien de subordination.
Ainsi, la Cour de cassation a fait droit à la demande de requalification en contrat de travail de "bénévoles" qui effectuaient un travail sous les ordres et selon les directives de l’association (qui avait le pouvoir d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements éventuels), et qui percevaient une somme forfaitaire dépassant le montant des frais réellement exposés, peu important à cet égard que les intéressés aient signé un contrat de bénévolat [3] .
De fait une rémunération masquée sous forme de remboursement des frais au forfait (ou sous forme d’avantages en nature) peut engendrer un risque de requalification du bénévolat en salariat si elle se double d’un lien de subordination. D’où l’intérêt d’exiger des justificatifs et de les conserver pour pouvoir prouver qu’il s’agit bien de remboursement de frais réellement engagés et non d’une rémunération déguisée.
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 16 janvier 2019, n° 17/12943
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