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La rémunération des dirigeants associatifs

La crise des fonctions dirigeantes associatives (1) a trouvé un écho favorable avec les dispositions incitatrices adoptées par le législateur en 1998. La loi du 13 juin 1998 (2), en instaurant le dispositif des 35 heures, a réduit le temps de travail des salariés mais leur a surtout permis de disposer de plus de temps à consacrer au bénévolat. Cette dynamique a été renforcée par l’instruction fiscale précitée (3) qui tente de répondre à cette crise en permettant désormais aux associations de rémunérer leurs dirigeants sans remettre en cause le caractère désintéressé de leur gestion (4). Aujourd’hui donc, engagement associatif et rémunération ne s’exclut plus dans certaines limites.

1 . Rappel du contexte de 1998

La crise des fonctions dirigeantes associatives (1) a trouvé un écho favorable avec les dispositions incitatrices adoptées par le législateur en 1998. La loi du 13 juin 1998 (2), en instaurant le dispositif des 35 heures, a réduit le temps de travail des salariés mais leur a surtout permis de disposer de plus de temps à consacrer au bénévolat. Cette dynamique a été renforcée par l’instruction fiscale précitée (3) qui tente de répondre à cette crise en permettant désormais aux associations de rémunérer leurs dirigeants sans remettre en cause le caractère désintéressé de leur gestion (4). Aujourd’hui donc, engagement associatif et rémunération ne s’exclut plus dans certaines limites.

2. Hypothèses de rémunération du dirigeant associatif

2.1. La notion de rémunération et de dirigeant

Par rémunération, il faut entendre « le versement de sommes d’argent ou l’octroi de tout autre avantage » (5) consenti par l’association à ses dirigeants : salaires, honoraires, avantages en nature, cadeaux, remboursement de frais non justifiés. Cette rémunération versée aux dirigeants d’une association peut intervenir dans différents cas de figure.

En premier lieu, le dirigeant peut être rémunéré au titre de son mandat social (6) ; autrement dit, pour l’exercice stricto sensu de ses fonctions de dirigeant au sein de l’association (présence aux réunions du conseil d’administration et assemblées…). Par dirigeant, il faut entendre tous « ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de l’administration » (7) ou de la direction de l’association. La rémunération peut donc concerner l’ensemble des administrateurs (c’est-à-dire les membres du conseil d’administration, du comité directeur, du bureau, etc.), quelques administrateurs seulement ou, de façon plus restrictive encore, le Président uniquement. L’association a une entière liberté en la matière.

2.2. Cas particuliers : les dirigeants de fait

Le dirigeant de fait est celui qui exerce effectivement la gestion et l’administration de l’association, en ce sens qu’il prend les décisions de dernier ressort relatives à la politique de l’organisme, notamment dans le domaine financier, et effectue les tâches de contrôle supérieures (8). L’administration fiscale considère que sont des dirigeants de fait, les personnes qui remplissent des fonctions normalement dévolues aux dirigeants de droit, qui exercent un contrôle effectif et constant de l’association et qui en définissent les orientations (9).

Dans ce contexte, un salarié peut être considéré comme dirigeant de fait d’une association dans certaines circonstances, tel que notamment le directeur salarié C. Amblard, Le poste de directeur salarié : un exercice d’équilibriste au quotidien, Edito. ISBL Consultants, février 2010, publié aux Editions Lamy Associations, Bulletin d’actualités, mars 2010 n°180. Ainsi, la participation en qualité de simple observateur ou avec voix consultative d’un directeur salarié au conseil d’administration de l’association n’est pas perçue par l’administration fiscale comme révélant par elle-même une gestion de fait. En revanche, si les membres du conseil d’administration n’exercent pas leur rôle, en particulier celui de contrôler, et le cas échéant de révoquer ce salarié, et le laissent en fait déterminer la politique générale de l’organisme à leur place, le directeur salarié doit être considéré comme un dirigeant de fait.

En second lieu, le dirigeant peut percevoir une rémunération au titre d’une activité distincte de ses fonctions de dirigeants, exercée au sein de l’association et sous la subordination de celle-ci. Nous sommes là en présence d’un cumul d’une activité bénévole et d’une activité salariée au sein d’une même association parfaitement admis. En effet, il convient de rappeler qu’aucune disposition n’interdit à une association de conclure un contrat de travail avec un de ses sociétaires (10).

Exemple : Cas d’une association dispensant des cours de grec moderne dont le président recevait une rémunération au titre de son activité d’enseignement (11).

Le dernier cas de figure concerne les salariés d’une association qui deviennent dirigeants de droit de l’organisme. En effet, sauf disposition statutaire contraire, il est admis qu’un salarié puisse adhérer en qualité de membre ou encore être élus en qualité de dirigeant au sein d’une association. Toutefois, en raison des contraintes fiscales existantes (12), les salariés ne devront pas représenter plus du quart des membres du conseil d’administration sauf dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires et dans le cadre d’un accord de représentation du personnel. Et, en tout état de cause, ils ne pourront exercer un « rôle prépondérant » (13) dans la direction de l’association, notamment en siégeant au bureau (composé généralement du président, du trésorier et du secrétaire).

Attention ! Ne peuvent cumuler les fonctions de dirigeant et de salarié, les membres du Conseil d’administration des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique, les administrateurs des fédérations départementales, interdépartementales, régionales ou de la fédération nationale des chasseurs (statuts types).

 3. Contraintes attachées à la rémunération du dirigeant associatif

Sur le plan juridique, le principe de la rémunération des dirigeants associatifs ne fait l’objet d’aucune interdiction. Certains impératifs découlent néanmoins de la loi du 1er juillet 1901. Le contrat d’association est en effet régi par un principe fondamental : l’interdiction de partage des bénéfices (14) et d’attribution aux membres (ou à leurs ayant droits) des parts d’actif, en cas de dissolution de l’association. La rémunération versée aux dirigeants ne doit donc pas constituer une distribution déguisée de bénéfices. Il en serait ainsi en cas de rémunérations excessives (au regard des usages professionnels) ou ne correspondant pas à un travail effectif.

Par ailleurs, les statuts de l’association doivent prévoir le principe d’une rémunération versée aux dirigeants (montant de la rémunération, organe statutaire chargé de définir les conditions de rémunération des dirigeants, délibération aux deux tiers des membres présents ou représentés). Une telle précision statutaire permet d’éviter qu’un dirigeant se verse une rémunération à l’insu de l’assemblée générale des membres et des autres administrateurs.

Sur le plan fiscal, il convient de rappeler que le maintien du caractère non lucratif de l’association est, par principe, lié au critère de gestion désintéressée de l’organisme (15). Mais comme vu ci-avant, la notion de gestion désintéressée n’est plus exclusive d’une certaine forme de rémunération du dirigeant associatif.

En d’autres termes, le caractère désintéressé et non lucratif de l’association n’est plus remis en cause dès lors que cette rémunération respecte un certain nombre de seuils :

* Pour les « petites » associations, le seuil de rémunération mensuelle pouvant être versée à chaque dirigeant ne doit pas excéder les ¾ du SMIC mensuel brut (16). Dans ce cas de figure, tous les dirigeants de l’association, quelque soit leur nombre, peuvent être rémunérés à hauteur des ¾ du SMIC brut mensuel.

* Les « grandes » associations, quant à elles, peuvent rémunérer (17) uniquement et respectivement 1, 2 ou 3 dirigeants, dans la limite de trois fois le montant du plafond de la sécurité sociale (18), à condition d’avoir disposé au cours des trois années précédentes de ressources propres (hors subventions publiques) supérieures respectivement à 200.000 €, 500.000 € et 1.000.000 €.

Attention : Ces deux seuils ne peuvent pas être cumulés : les rémunérations versées aux dirigeants d’une association doivent être limitées au seuil des ¾ du SMIC brut mensuel ou au plafond de trois fois le montant du plafond de la sécurité sociale (Instr. fisc. du 18 déc. 2006, n° 45).

En outre, l’association doit respecter certaines conditions statutaires (19) tenant à la transparence financière, à un fonctionnement démocratique, à l’adéquation de la rémunération aux sujétions du dirigeant et le plafonnement de sa rémunération (¾ du SMIC ou trois fois le plafond de la sécurité sociale). Le non respect de ces seuils et conditions en matière de rémunération des dirigeants remet en cause le caractère désintéressé de la gestion de l’association et son caractère non lucratif.

Dans le même sens, lorsqu’un salarié, rémunéré par l’association au-delà des seuils ci-avant définis, est considéré comme un dirigeant de fait, l’association est aussitôt assujettie aux impôts commerciaux (IS, TVA et TP).

 4. Régime social du dirigeant associatif et de sa rémunération

Le régime social applicable à la rémunération des dirigeants associatifs est lié à l’origine même de cette rémunération : ainsi, les dirigeants des associations qui remplissent les conditions de gestion désintéressée sont assujettis au régime général de la sécurité sociale (20) pour leurs rémunérations perçues au titre de leur mandat social. Pour les associations ayant une gestion intéressée, la rémunération de leurs dirigeants doit être soumise au régime des non salariés. La Cour de cassation considère en effet que la fonction de président d’une association constitue une activité non salariée (21). Enfin, les rémunérations versées aux dirigeants associatifs en contrepartie d’activités distinctes de leurs fonctions de dirigeants et exercées sous la subordination de l’association ont la nature d’un salaire et doivent donner lieu à cotisations auprès du régime général de la sécurité sociale (22).

En matière de protection sociale (assurance maladie-maternité, vieillesse), le dirigeant associatif ne bénéficie d’aucun régime de protection sociale. Mais dès lors qu’il perçoit une rémunération, deux situations sont à distinguer. Si l’association remplit les conditions de gestion désintéressée, ses dirigeants bénéficient des prestations de la sécurité sociale. A défaut, ceux-ci ne peuvent prétendre à ces prestations en leur qualité de mandataire social, rémunéré à cet effet. Mais cette exclusion du bénéfice des prestations de la sécurité sociale doit néanmoins être tempérée. En effet, les dirigeants d’association ayant une gestion intéressée peuvent bénéficier de la couverture maladie-maternité-vieillesse en tant que salariés de l’association (hypothèse de cumul de fonctions salariées et bénévoles) ou encore au titre de la profession qu’ils exercent en dehors de l’association ou, enfin, en qualité d’ayant droit de leur conjoint (prestations en nature de l’assurance maladie-maternité). Les dirigeants qui ne relèveraient d’aucune de ces situations peuvent solliciter la couverture maladie universelle (CMU).

 

Cumul de fonctions de dirigeant et de certains revenus :

Le versement d’une retraite complète d’un régime de salariés ou de non-salariés n’est pas subordonné à la cessation des fonctions de dirigeant de l’association dès lors que ces fonctions sont exercées bénévolement. En revanche, si le dirigeant souhaite cumuler ses fonctions avec la reprise d’une activité salariée dans l’association, certaines conditions cumulatives doivent être remplies. A compter du 1er janvier 2009 (23), le cumul des pensions avec le salaire est possible à condition que la personne ait liquidé à taux plein toutes ses pensions de vieillesse auprès de la totalité des régimes de retraite de base et complémentaires légalement obligatoires dont elle a relevé ; qu’elle ait au moins 60 ans et la durée requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein (ou, à défaut, qu’elle ait au moins 65 ans) ; qu’elle ait effectivement cessé son activité chez son dernier employeur. Si ces conditions ne sont pas remplies, le cumul des pensions et du salaire n’est possible que sous certaines limites : les revenus salariés, ajoutés à ces pensions, ne doivent pas dépasser 160% du SMIC ou le dernier salaire d’activité. A défaut, le versement des pensions est suspendu et le dirigeant ne pourrait bénéficier que des salaires versés au titre de son activité rémunérée au sein de l’association.

Enfin, s’agissant des accidents de travail, seuls peuvent bénéficier de la couverture du régime général pour tout accident survenu dans le cadre de leurs fonctions, les dirigeants d’associations remplissant les conditions de gestion désintéressée (24). Les autres dirigeants (associations ayant une gestion intéressée) sont exclus de cette couverture sociale accidents de travail. Dans cette hypothèse, les dirigeants devraient pouvoir bénéficier des assurances spécifiques souscrites par leurs associations pour leurs bénévoles. En cas de cumul de fonctions salariées et bénévoles, seuls les accidents survenant dans l’exercice de son activité salariée relèvent du régime général de la sécurité sociale. Ceci implique que soit dûment précisé dans le contrat de travail du dirigeant salarié, la nature des missions et le nombre d’heures affectées à l’activité salariée et rémunérée comme telles.

 

Notes

[1] V.Tchernonog, Les associations : financement, emploi, travail bénévole, évolutions, CNRS-Matisse, juin 2007 ; C. Amblard, Homo Benevolus : attention danger ! www.isbl-consultants.fr, 2 novembre 2007
[2] L. 98-461 du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail (dite Loi Aubry)
[3] Inst.. fisc. 4 H-5-98 du 15/09/1998
[4] Inst. fisc. BOI 4 H-5-06 du 18/12/2006 (synthèse), n° 23
[5] Inst. fisc. préc., BOI 4 H-5-06, n° 21
[6] C. civ., art. 1984
[7] Loi 1901, art. 5 al. 2
[8] CJCE, 21/04/2002, aff. 267/00 : RJF 6/02, n°736
[9] Instr. préc. BOI, 4 H-5-06, n° 41
[10] Cass. soc., 24/04/1968 : Bull. civ. V, n°204
[11] CAA Paris, 27 février 1996, n° 94-847
[12] Voir infra
[13] Instr. préc. BOI, 4 H-5-06, n°49
[14] Loi 1901, art. 1
[15] Instr. BOI 4 H-5-06 préc. n°14
[16] Soit 1.007, 85 € (SMIC brut au 1er janvier 2010)
[17] Instr. BOI 4 H-5-06 préc. n°29-36 ; CGI, art. 261-7-1-d°
[18] Soit 8.655 € par mois à compter du 01/01/2010
[19] Instr. BOI 4 H-5-06 préc. n°24-28
[20] CSS, art. L 311-3, 22°
[21] Cass. soc., 03/11/1994, n°92-20-007 : RJS 12/94, n°1425
[22] Cass. soc., 30/05/1991, n°88-19.212 : RJS 8-9/91, n°1002
[23] Ces conditions concernent les pensions ayant pris effet depuis le 01/01/2004
[24] CSS, art. L 412-2

Lydie SOALLA
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