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Les associations environnementales inquiètes de l’exploration des grands fonds

Elles soulignent les risques pour les écosystèmes et la biodiversité, liés à une éventuelle exploitation minière des grands fonds marins dans les années à venir. La France souhaite, elle, une meilleure connaissance scientifique.

« 10 % des tests PCR sont constitués de molécules extraites de zones situées à 1.700 ou 1.800 mètres de fond. » Voici ce qu’apprenaient fin janvier les sénateurs, en auditionnant le directeur du département Ressources physiques et écosystèmes de fond de mer de l’Ifremer, Jean-Marc Daniel, dans le cadre d’une mission d’information qu’ils mènent actuellement sur les fonds marins. Le potentiel des profondeurs de l’océan est immense.

« Aujourd’hui, les ressources minérales sous-marines n’ont été évaluées que dans des zones extrêmement réduites de la surface du globe, principalement dans les régions dans lesquelles l’Autorité internationale des fonds marins a délivré des permis [d’exploration] », indiquait encore l’expert en géosciences. Dans la zone de Clarion-Clipperton, une région géologique sous-marine qui se situe dans le nord-est du Pacifique, on trouve du cuivre, du cobalt, du nickel ou encore du manganèse.

A l’heure où la transition énergétique qui s’amorce va nécessiter d’énormes quantités de métaux pour le déploiement des voitures électriques – avec leurs batteries – et des énergies renouvelables, les eaux profondes, qui recouvrent les zones situées au-delà de 200 mètres sous la surface, attirent des Etats comme des industriels. Un appétit qui inquiète les associations de défense des océans. Car, jusqu’à présent, ​la nature des fonds, et bien plus encore leur biodiversité, demeurent en vaste majorité inconnues.

Le temps y est toutefois bien plus long qu’ailleurs sur Terre. « L’océan profond est loin de se régénérer lui-même aussi rapidement que les eaux peu profondes, explique Sian Owen, la directrice de la Deep Sea Conservation Coalition, qui regroupe des ONG, des organisations de pêcheurs et des instituts juridiques et politiques. Il abrite par endroits des coraux vieux de 5.000 ans ou des poissons bicentenaires. Et ces écosystèmes mettent plusieurs décennies à se reconstituer. » « En tant que scientifiques, nous sommes incapables d’évaluer l’impact des activités humaines dans les profondeurs », a prévenu Joachim Claudet, conseiller océan du CNRS, également auditionné au Sénat. Selon lui, « c’est aux politiques et aux législateurs de prendre leurs responsabilités ».

Moratoire et connaissance scientifique
A Marseille, l’an dernier, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a adopté un moratoire sur l’exploitation des grands fonds. Plusieurs grandes entreprises dont BMW, Google, Volvo, Samsung avaient elles-mêmes signé un appel du WWF à voter en sa faveur et se sont engagées à bannir les minerais sous-marins . La France, deuxième puissance maritime du monde, n’a pas soutenu ce moratoire. « Investir dans le champ des fonds marins », est l’un des dix objectifs du plan d’investissement « France 2030 » présenté par Emmanuel Macron en octobre dernier.

« Je ne parle pas d’exploitation, mais d’exploration », avait précisé le chef de l’Etat, avant d’ajouter : « mais qui peut accepter que nous laissions dans l’inconnue la plus complète une part si importante du globe ? », jugeant que ces explorations sont « un levier extraordinaire de compréhension du vivant, peut-être d’accès à certains métaux rares, d’innovation en termes de santé ou de biomimétisme ».